mercredi 4 juin 2008

Qui veut la Peau de Roger Rabbit ?


Forcément, un film culte.
A l’occasion de la majorité toute neuve du film (18 piges ça se fête !), revenons sur ce grand délire loufoque, étonnant, quasi schizophrène et toujours aussi impressionnant visuellement.
Un film somme, une pièce maîtresse comme on en fait plus.

Premièrement, ce qui choque le plus au re-visionnage du film, c’est la maturité de l’ensemble.
Car au-delà du défi technique, Zemeckis a crée un véritable background.
Chaque élément, la moindre parcelle de décor a été pensée, dessinée à l’avance pour arriver à un spectacle aussi impeccable.
Et le choix d’en faire un film noir montre le sérieux et l’ambition avec laquelle l’équipe s’est attelée au film.
Car en plus du travail colossal de créer le monde des Toons (ToonTown), il a fallu rendre crédible l’Hollywood des années 40, période glorieuse du cinéma d’animation.
Pour un film dont la vocation première est de divertir les enfants, l’ensemble est étonnement pervers, avec ses dialogues équivoques, un personnage principal alcoolique au trama sombre et violent, une Jessica Rabbit, fantasme ambulant, bombe sexuelle mariée, qui joue à des jeux pervers sans le consentement de son mari, Baby Herman, le bébé accroc au sexe, aux cigares et aux sucettes (sans jeu de mots faisandé), le tout dans une histoire d’assassinat aux relents troubles, plan machiavélique échafaudé par l’un des méchants les plus cauchemardesques du cinéma américain.
Sans aucun mobile, à part la folie, le Judge Doom glace le sang et retourne les tripes. La violence du personnage est d’autant plus relayée par la composition dantesque de Christopher Lloyd, pour une vision traumatisante pour un très jeune public, surtout vu l’atmosphère suffocante de la dernière scène, et la cruauté sans nom du personnage (exposée sans concession aucune avec la présentation de la bassine remplie de « The Deep » et l’exécution choc et bouleversante d’une chaussure toon).
Et on exagère à peine.

Deuxièmement, au-delà de l’histoire menée à un rythme détonnant et la réalisation virtuose du Gugus (comme toujours chez Zemeckis), le film dénote un arrière texte émouvant, ultra respectueux, et nostalgique de cette période révolue.
En témoigne cette scène pleine d’une mélancolie triste où la fameuse Beety Boop explique qu’elle est désormais devenue serveuse pour gagner de quoi vivre. ToonTown peut donc alors être vue comme une allégorie du cinéma, du Hollywood d’antan, perverti à terme par l’homme, ses compagnies, l’argent (l’autoroute qui menace ToonTown, le chômage qui frappe les personnages).

Le film baigne dans cette atmosphère de naphtaline, qui sans être poussiéreuse, donne l’impression de se retourner sur sa vie, comme quand l’on retrouve dans un coin de son grenier ses jouets d’enfant.
Car lorsque le générique final est lancé, même si le spectateur est gonflé par l’optimisme général et le bonheur provoqué par cette petite merveille, il ne peut s’empêcher d’éprouver tristesse pour une période désormais révolue.

Enfin, en plus d’être une prouesse technique inimaginable pour l’époque, remplies de scènes incroyablement impressionnantes, comme le duel par piano interposés, la découverte de TownToon (bien que cette dernière accuse un peu son âge dans sa technique de l’incrustation), le film est également peuplé de trouvailles visuelles lancées tambour battant (le gorille de l’entrée du bar est vraiment un gorille, les fouines comme malfrats/gardes du corps), et chaque parties du décors recèlent une animation hilarante. Ne serais ce que pour ça, le film serait à regarder image par image, pour bénéficier par exemple du regard lubrique sous la jupe d’une dame de Baby Herman. Et pour rajouter au bonheur du spectateur, le film se permet même le luxe de mélanger (chose qui paraît pourtant impossible) les personnages animés de Disney et Warner, ensemble !
Rêve qui devient réalité, on voit Bugs Bunny balancer des vannes à Mickey, et Donald exploser la tronche de Daffy à coup de maillet et de piano. La toute dernière image est à ce titre gargantuesque, voyant tous les personnages jamais existés réunis dans un même plan (même si pour des questions de droits, Tom & Jerry, ou encore Popeye, n’apparaissent pas).

Qui veut la peau de Roger Rabbit est encore bien loin du statut de film culte qu’on lui accorde.
C’est un joyau, une pépite brute, envoyée à la surface du monde par une équipe prodigieusement talentueuse, Steven Spielberg et Robert Zemeckis, qui auront vraiment donné au cinéma de genre américain ses heures de gloires.
Quelques années après Retour vers le Futur, et juste avant ses suites, Zemeckis ré-édite l’exploit de fournir un film d’exploitation intelligent et profondément sincère.
On lui tire un énorme chapeau.
Et on pleure un véritable gâchis pour la suite de sa carrière.

Revoir Qui veut la Peau de Roger Rabbit à l’âge adulte, ce film qui a bercé et berce l’enfance de tout un chacun (tout le monde l’a vu au moins une fois, où alors à des parents horribles) fait partie de ses expériences à tenter.
C’est le même film et pourtant il est différent de ce qu’on avait en tête.On avait changé les scènes.
On en découvre d’autre.
Il fait partie de ses films où chaque vision apporte quelque chose de nouveau.

Un cadeau du ciel.
Une merveille.

Aucun commentaire: